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De Labatut à Voltaire : une correspondance étonnante

 


Nos vifs remerciements à Alain Lagors qui a bien voulu mettre à notre disposition le fruit de ses propres recherches ; sans lui cet article n’eût pas été possible.

 

VoltaireLa Rivière Basse n'a pas fini de nous surprendre ; ses enfants davantage.

" C’est un beau pays, je l’aime de tout mon cœur, il est vrai que j’y suis né et chacun aime son lieu de naissance " - [lettre du 5 mai 1835]

L'enfant dont il est ici question, est un auteur inconnu, natif des bords de l'Adour : Dominique Vincent.

Ce Dominique Vincent est né le 6 Août 1815 de Pierre Vincent, propriétaire à Soublecause et de Françoise Verdier, originaire de Plaisance.

"Enfant de la Bigorre", qu’il a aimée ; il a fréquenté les bancs du Collège d'Aire vers 1830, puis ceux de la Faculté de Lettres de Toulouse. Ses fonctions de maître le mènent de Manciet au collège Royal d'Auch, et il exercera en tant qu'intendant au Lycée d'Agen (1839-1880)

Il vient prendre sa retraite à Plaisance du Gers chez Léonce Rosapelly, où il décède le 21 février1882.

C'est à cette famille plaisantine, les Rosapelly, qu'il lègue un manuscrit de 260 pages, un manuscrit dont l'une des parties est une nouvelle intitulée Clary la Folle.

 

Clary la Folle  "la biographie romancée d'une famille plaisantine admiratrice de Voltaire"

Il pourrait s'agir d'une fiction, or, les registres paroissiaux, les Archives départementales ou municipales du Gers et des Hautes-Pyrénées, corroborent de nombreuses dates et faits, sur lesquels nous ne voulons pas nous appesantir, mais qu'il est intéressant de spécifier car dès lors, la fiction se frotte à la réalité, renvoyant à des personnes et des événements ayant bel et bien existé.

La nouvelle évoque quatre étapes essentielles de la vie de Gaspard de Pagès.

Cette Clary est fille de Gaspard de Pagès, poète pamphlétaire palois qui prit part aux troubles que connut la cité béarnaise en 1760. Pagès compta parmi les jeunes "libertins" qui critiquèrent vivement les autorités municipales et dut, suite à cette sédition probablement quitter Pau... pour Labatut ! Son épouse Marie Dabadie y possédait des terres ; et les Abbadie, Dabadie, Labadie sont des notabilités de la plaine. Du séjour labatutois,  long de quelques années (1761-1773), la famille s'agrandit de trois enfants : Louis-Dominique (1761), Clary (1764), Victoire (1767). Cette Clary, enregistrée à l'état civil sous le prénom de Jeanne Pagès n'est autre que l'héroïne qui relate le parcours de Gaspard !

En 1773, les Pagès vont s'établir à Plaisance où le père va fonder une pension bien renommée semble-t-il car il compte parmi ses pensionnaires des élèves issus de l'élite du Moyen-Adour.

Peut-être a-t-il saisi l’opportunité de la fermeture du pensionnat Laffond de Plaisance, qui existait encore en 1768, pour ouvrir son établissement.

Il ne répugne pas à la vie politique pour autant car il est citoyen actif et sera même scrutateur à 74 ans, lors des élections en 1792.

Est-il ensuite rejeté par ses pairs ? De quel ordre sont les difficultés qui le poussent à quitter Plaisance ? Des questions auxquelles on ne peut répondre de façon tranchée. Toujours est-il qu'il s'en revient à Labatut où l'on retrouve trace des Pagès dans les archives jusqu'en 1805 et 1809.

Donc, voilà. Ces Pagès ont bel et bien existé - la fiction rejoint la réalité -  et, outre qu'ils nous amènent dans des lieux qui nous sont familiers, ils nous entraînent à la suite de Voltaire. Et c’est là que nous restons un peu pantois.

 

Un trait d'union entre Labatut et Voltaire

La famille Pagès nous mène droit à Voltaire : le père d'abord ; puis la fille.

Gaspard de Pagès a participé à la vie "politique", s'est illustré par ses libelles mais a également entrepris une traduction du Paradis Perdu qu'il a soumise à Voltaire. L'Homme du Dictionnaire philosophique lui répond de sa main et y apporte des corrections.

La fille, cette Jeanne - Clary ou Eglé, des noms de poétesse qu’elle aimait à se donner - écrit un poème dans l'année de ses douze ans, en 1775, qu'elle dédie "au Patriarche de Ferney" ! Dans les oeuvres complètes de Voltaire, tome XI, Poésie édité en 1829, partie intitulée "Poésies mêlées" il est fait mention du poème de Eglé, demoiselle de Plaisance, Gascogne, ainsi que de la réponse qui lui fut faite…

Vous qui d’Homère embouchant la trompette,
Des chantres de la Grèce égalez les concerts ;
Vous qui d’Anacréon et du berger d’Admète
Unissez les talents divers,
Permettez qu’en ce jour, marqué de votre fête,
Une jeune bergère éprise de vos vers
Vous offre une des fleurs qui ceignent sa houlette

Voltaire lui répondit de Ferney, le 21 octobre 1775 :

A l’âge de douze ans faire d’aussi beaux vers
Pour un vieillard octogénaire
C’est lui donner, Eglé, le plus charmant salaire
Que pouvaient briguer ses concerts.
Je crois votre estime sincère ;
Mais quittez les moutons, les bois et la fougère,
Allez sur des bords plus heureux
Charmer les beaux esprits et captiver les dieux.
Quand on a vos talents on naquit pour leur plaire.

Ainsi, de cette petite terre du pays de Bigorre, deux esprits prompts eurent des "assiduités" avec Voltaire... Cela laisse rêveur.


Dominique L.

 

La mauvaise étoile du dernier berger de Labatut-Rivière

 

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